En entreprise, certains sujets sont bannis des conversations à la machine à café. Parmi les thèmes les plus délicats on retrouve la politique, la religion ou encore le salaire. La question de la rémunération est tout particulièrement tenue secrète en France. Certaines entreprises ont pourtant décidé de briser les tabous et d'en parler ouvertement. Pourquoi ce sujet est-il si délicat à aborder aux yeux des français ? En parler plus librement serait-il bénéfique ? Faisons le point.
RégionsJob / ParisJob a mené l'enquête sur la vie de bureau en France en 2019 et les résultats ne sont pas étonnants :
Pourquoi est-il tant difficile de parler argent en France ? C'est tout bonnement une question de culture. Notre héritage Catholique et socioculturel ont rendu difficile notre rapport à l'argent en le considérant comme quelque chose de vulgaire. Au Moyen-Âge, les bourgeois sont donc perçus comme des personnes riches, avares et mesquines. Pour l'Église, l'argent pervertit l'âme. Chez les philosophes, ce n'est guère mieux. Gustave Flaubert le définit ainsi comme "la cause de tout le mal".
Dès lors, les français sont soumis à des contradictions. Nous voulons gagner de l'argent mais pas trop, réussir mais sans le dire, etc. Les écarts de salaires dans une entreprise sont parfois très grands. Ceux qui gagnent le plus ne veulent pas que cela se sache pour ne pas causer de tensions et ceux qui gagnent le moins considèrent cela comme un échec. Savoir combien son ou sa collègue gagne entraîne souvent des comparaisons et certaines personnes peuvent être stigmatisées ou être mises à l'écart. Si la transparence des rémunérations au travail peut exacerber les tensions, elle est pourtant nécessaire afin d'éviter toute discrimination.
Alors, doit-on en parler ? Tout laisse à croire que oui. D'après une étude réalisée en septembre 2018 par l'institut Harris Interactive, 70% des français sont favorables à une transparence sur les écarts de salaires par niveaux dans les grandes entreprises.
En octobre 2018, le gouvernement a tranché sur la question en adoptant un amendement à la loi Pacte. Les grandes entreprises de plus de 1 000 salariés doivent désormais divulguer les différences entre les salaires des dirigeants et les salaires moyens. Elle vient ainsi renforcer un principe présent dans le code du travail en France : "à travail égal, salaire égal". Cette égalité salariale doit être appréciée en fonction de ses compétences professionnelles, de son expérience ainsi que ses responsabilités. Aucun salarié ne peut faire l'objet de discrimination par rapport à son sexe, sa religion, son âge ou ses origines. Certaines disparités sur les bulletins de paie sont néanmoins tolérées selon le coût de la vie de son lieu de résidence. À Paris par exemple, les salaires sont plus élevés qu'en région.
Être transparent sur la question salariale permet donc de gommer les inégalités encore malheureusement trop présentes dans notre société. La différence de salaire entre les hommes et les femmes est toujours d'actualité. D'après l'Insee, les femmes gagnent 18,6% de moins que les hommes. Si les femmes ignorent les rémunérations de leurs collaborateurs masculins, elles ne peuvent donc pas se défendre.
Une nouvelle ère est cependant en marche. Certaines structures ont en effet décidé de briser les tabous et de rendre transparent la rémunération de chacun de leurs collaborateurs. Thermador Groupe, un distributeur d'équipements de plomberie communique à ses 500 employés les salaires de chacun et ce, depuis sa création en 1968. Le Chiffre d'affaires, les marges ainsi que les résultats sont également publiés et une partie des bénéfices est également redistribuée sous formes de primes annuelles. L'âge et l'expérience professionnelle sont également pris en compte et les employés bénéficient d'une augmentation de manière assez régulière. Pour le PDG, cette transparence est profitable car elle évite désormais que les rumeurs courent dans les couloirs.
Les différences de salaire peuvent aussi se présenter selon le type de son contrat de travail, comme c'est notamment le cas en intérim. Rappelons que c'est l'entreprise utilisatrice qui fixe le montant du salaire du ou des futurs collaborateurs temporaires, même s'il n'est pas son employeur. Le montant doit respecter la loi du travail. Un intérimaire ne peut donc gagner une rémunération inférieure à celle qu'aurait perçue un salarié en CDI au sein d'une société pour un même poste à qualifications égales et après période d'essai.
Le salaire d'un intérimaire est généralement plus élevé que celui des employés en CDI. En effet, à la fin de chacune de ses missions, il perçoit une indemnité de fin de mission ainsi qu'une indemnité de congés payés, dont le montant s'élève à 10% du salaire intérim brut. Cette différence s'explique par le fait qu'un contrat intérim est considéré comme précaire. Pour compenser cette précarité, les travailleurs temporaires ont donc souvent une paie supérieure. Certains profils étant pénuriques, une entreprise ayant des difficultés de recrutement n'hésitera pas à proposer des rémunérations plus élevées. Si vous souhaitez en savoir plus sur les rémunérations en intérim, n'hésitez pas à lire nos autres articles.
On ne parle pas politique, religion ou argent en France lors des réunions de famille ou au bureau sous peine de voir une simple conversation se transformer en véritable pugilat. En entreprise c'est particulièrement le bulletin de paie qui alimente les passions et le débat social. À cause de notre culture, l'argent est un sujet interdit et le fait de savoir combien gagne son collègue peut entraîner des tensions. Et pourtant ! La transparence de l'information permettrait au contraire de gommer les inégalités encore trop présentes dans notre société. Certaines entreprises ont donc décidé de mettre fin à cet interdit en étant totalement transparentes. Nouvelle tendance ou réel changement social ? Seul l'avenir nous le dira.
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