Si la mission ne me convient pas, je suis libre de ne pas y revenir. En plus, changer souvent de société me permet de ne pas m'ennuyer et de découvrir un nouvel environnement de travail à chaque fois.
TÉMOIGNAGES - Adeptes de la flexibilité et du changement, certains professionnels en début de carrière refusent le contrat si convoité par d'autres. Ils ont expliqué leurs motivations au Figaro.
S'il reste perçu comme le Graal suprême par certains, le contrat à durée indéterminée ne fait plus autant rêver, notamment du côté des jeunes actifs. « Je n'ai jamais signé de CDI et c'est un choix », revendique Tom, âgé de 31 ans, qui enchaîne les CDD dans différentes entreprises depuis la fin de son IUT de gestion des entreprises et des administrations.
Spécialisé dans des métiers administratifs, la diversité de ses contrats a, selon, lui des avantages. « Cela me permet de tester différents aspects de mon travail et de ne pas être coincé dans un emploi qui ne me convient pas sur le long terme. J'ai la liberté et la possibilité de ne pas demander un renouvellement de mon contrat si je n'y suis pas épanoui », explique ce Toulousain. Même son de cloche du côté de Kérida, 32 ans, spécialisée dans les métiers de la logistique. Depuis l'âge de 18 ans, elle préfère l'intérim.
Si la mission ne me convient pas, je suis libre de ne pas y revenir. En plus, changer souvent de société me permet de ne pas m'ennuyer et de découvrir un nouvel environnement de travail à chaque fois.
Cette possibilité de ne pas reconduire leur mission, s'ils le souhaitent, renforce, selon eux, leur pouvoir de négociation. « À la fin de mon premier CDD d'un an, j'ai réussi à négocier une augmentation de salaire et plus de budget pour l'équipe que j'avais créée », explique Antoine, 26 ans, diplômé d'une école de commerce, qui est data analyste dans la fonction publique. Tom a quant à lui réussi à décaler ses horaires de travail pour les adapter au mieux à ses besoins personnels. « Ma vie personnelle passera toujours avant mon emploi. Si je n'arrive pas à obtenir les conditions de travail qui me conviennent, je ne demande pas le renouvellement du contrat », explique-t-il, tout en reconnaissant que ce détachement est sûrement lié à un « manque de sens » dans son travail.
Pour Kérida, la rémunération est également un atout non négligeable.
Je touche entre 200 et 300 euros de plus que si j'étais en contrat long terme, notamment grâce au versement de la prime de précarité.
Cette prime précarité est, en effet, versée aux intérimaires et aux salariés en CDD dont leur contrat de travail a pris fin à la date prévue. Elle représente 10% de la rémunération brute totale versée pour la mission effectuée et a pour objectif de compenser sa situation de précarité.
À cela vient s'ajouter un argument de poids, lorsqu'un CDD ou une mission d'intérim arrive à son terme : les droits au chômage s'ouvrent automatiquement, à condition d'avoir travaillé au moins six mois sur les deux dernières années. C'est notamment ce qui a convaincu Antoine de passer d'un CDI à un CDD. « J'avais pour projet, à moyen terme, de créer mon entreprise et c'était impossible à réaliser sans toucher le chômage. Je me suis tourné vers des CDD pour être certain de pouvoir accéder à mes droits lorsque je souhaiterais me lancer, sans avoir à négocier de rupture conventionnelle», explique Antoine, data analyste habitant à Paris. Lors de son dernier emploi, il a même posé cette condition au cours des différents entretiens de recrutement.
Ce phénomène est effectivement de plus en plus constaté par les directions des ressources humaines. « On constate une évolution. Les jeunes professionnels ont de nouvelles attentes, surtout en termes de flexibilité. Ils veulent travailler quand ils veulent, où ils veulent et dans de bonnes conditions. Certains se tournent alors vers l'intérim ou deviennent auto-entrepreneurs pour proposer leurs services en tant qu'indépendants, afin de gérer leur emploi du temps comme ils le souhaitent », confirme Audrey Richard, président de l'ANDRH.
Une tendance qui se retrouve dans les chiffres puisque d'après une étude menée par Mazars et OpinionWay, en 2019, auprès de plus de 1000 Français, 79 % des 15-24 ans souhaitent travailler en CDI, contre 86 % des 25-34 ans ce qui implique tout de même que ce n'est pas le souhait de près d'1 jeune professionnel sur 5. Une réalité particulièrement constatée, selon la présidente de l'ANDRH, par les professionnels dans le milieu hospitalier et dans le secteur du conseil.
Mais le recours aux contrats courts implique tout de même certaines contraintes : « cela a été bloquant pour mon achat immobilier. C'était très compliqué. C'est grâce aux revenus de ma compagne qu'on a pu réussir à obtenir un crédit, sinon c'était impossible », reconnaît Tom. Un manque de stabilité qui semble tout de même finir par peser dans la balance à partir d'un certain âge. À 32 ans, Tom commence à envisager potentiellement d'accepter un CDI dans l'entreprise dans laquelle il travaille actuellement, et s'épanouit... mais seulement à son retour d'un long séjour à l'étranger prévu de longue date. « J'ai l'impression qu'à partir d'un certain âge, c'est plus difficile de trouver des missions d'intérim. Je préfère éviter que cela m'arrive », reconnaît, de son côté, Kérida qui s'est fixée 35 ans comme bon âge pour, finalement, accepter un contrat à durée indéterminée.
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