Revenu en France en 2015 après avoir revendu sa dernière start-up Miyowa pour plus de 60 millions de dollars, le serial entrepreneur a voulu créer une entreprise vraiment utile et inclusive. C'est ainsi qu'il a eu l'idée de moderniser un secteur de l'intérim encore très traditionnel en lançant une agence entièrement numérique. Le succès a été immédiat avec une croissance de 4 388 % entre 2016 et 2019. Explications du lauréat 2021 des Champions de la croissance.
Pour nous, cela a été une année charnière. Nous avons quasiment doublé notre chiffre d'affaires à 50 millions d'euros alors que le secteur de l'intérim a lui plongé de 40 %. Cela fait cinq ans que qu'on prêche dans le désert en disant que les agences physiques sont révolues et que le secteur a besoin de se moderniser. On me prenait pour un fou, mais là c'est fini.
Nous avons assisté à un double mouvement. D'une part, les clients les plus réfractaires aux recrutements en ligne ont complètement changé leur fusil d'épaule compte tenu des circonstances, ce qui a définitivement assis notre modèle 100 % digital. D'autre part, les réseaux d'intérim traditionnels n'avaient pas les outils pour s'adapter rapidement à cette nouvelle donne. Du coup, on a bénéficié à plein de cette bascule phénoménale. Et il n'y aura pas de retour en arrière pour nos clients.
On a aujourd'hui plus de 900 clients, et beaucoup de leaders dans la grande distribution, la logistique, la banque ou l'industrie. Et je peux vous dire par exemple qu'un grand distributeur qui ne recrutait pas du tout en ligne début 2020 embauchait un quart de ses intérimaires sans les voir à la fin de l'année et envisage de monter à plus de 80 % à la fin de 2021… Il y aura un avant et un après la crise sanitaire.
On est en train de modifier les codes d'un secteur où il était invraisemblable de recruter quelqu'un sans l'avoir rencontré. Comme d'autres l'ont été auparavant avec Airbnb ou Blablacar. Désormais, on loue son appartement à de parfaits étrangers et on partage sa voiture avec des inconnus, des domaines relevant auparavant de la sphère intime. Dans le monde du travail, c'est désormais la même chose. Ce n'est plus la peine de voir une personne, même en visio, pour la recruter…
Dans l'intérim, les offres viennent pour beaucoup de la grande distribution et de la logistique, ainsi que de l'industrie ou de la banque. Ce ne sont pas forcément des métiers à haute valeur ajoutée. Ce qui compte en général pour répondre aux besoins, c'est surtout le savoir être être à l'heure, ne pas être absent, suivre les consignes plus que le savoir-faire. Or ce savoir être, on peut en avoir une idée en utilisant notamment un système de recommandations et de notations par les employeurs, analysées par une intelligence artificielle développée avec Polytechnique (Aglaé). Cela permet de préselectionner plus rapidement les CV qui correspondront le mieux aux besoins de nos recruteurs. On leur épargne, beaucoup plus que d'autres, ce qu'on appelle « le mauvais plan ».
C'est tout le contraire ! Cet algorithme est seulement une étape. Le facteur humain est évidemment essentiel. Il est même notre objectif premier puisqu'en digitalisant tout le process - il n'y a pas de rendez-vous physique entre les candidats et le recruteur -, on gagne beaucoup de temps dans la relation avec les intérimaires et puis on évite beaucoup de biais et de discriminations. Quand je suis revenu de Californie, j'ai été vraiment frappé par le manque de diversité en France dans les entreprises, la quasi-absence des jeunes de banlieue. J'ai voulu cette fois être vraiment utile et inclure les populations souvent éloignées du milieu professionnel, en créant une entreprise sociale et solidaire dont la mission est de donner un boulot à tout le monde, quel que soit son âge, son origine, son sexe. Le résultat est là : sur nos 12 000 salariés intérimaires, 81 % ont connu le chômage pendant plus de six mois avant de nous rejoindre, 35 % ont moins de 35 ans et 60 % n'ont pas le BAC !
Nous devrions atteindre le point d'équilibre à la fin de cette année. Nous avons déjà levé 17 millions d'euros et nous préparons une grosse levée pour la fin d'année d'environ 30 à 50 millions d'euros pour nous développer à l'international, vers l'Espagne et le Royaume-Uni en particulier.
Le palmarès à retrouver en intégralité ici