Lorsque Franprix, un dimanche de mars 2020, a dû trouver 1.000 intérimaires du jour au lendemain pour assurer la mise en rayon de 300 de ses magasins, c’est vers une petite start-up du recrutement que la chaîne du magasin se tourne en catastrophe, et non vers les géants du secteur. « J’ai publié l’offre d’emploi sur notre plateforme et en quelques minutes, des milliers de candidatures sont ressorties », relate Stéphanie Delestre, la présidente-fondatrice de la jeune pousse, Qapa.
Des milliers de travailleurs prêts à répondre à une offre d’emploi de manière quasi instantanée... Longtemps hermétique à l’innovation technologique, le secteur de l’intérim est en train de faire, avec des années de retard sur le retail ou la finance, sa mue vers le digital. Qapa – qui vient tout juste d’être racheté par Adecco pour 65 millions d’euros – mais aussi Gojob ou Iziwork : les nouveaux acteurs se font de plus en plus nombreux, avec comme principal argument la vitesse à laquelle leurs algorithmes permettent de « matcher » les entreprises et les demandeurs d’emploi.
Détecter l’aiguille dans une botte de foin De quoi résoudre les frictions qui grippent actuellement sur le marché de l’emploi, sur lequel cohabitent pénuries de main-d’œuvre et 8 % de chômeurs – soit 2,4 millions de personnes ? « Le Big Data permet de faire se rencontrer l’offre et la demande de manière pertinente en tenant compte des expériences, des “softs skills” ou de la situation personnelle, notamment géographique » , croit le patron d’Adecco France, Alexandre Viros. Le dirigeant est d’ailleurs convaincu que l’intérim 2.0, s’il ne pèse aujourd’hui que quelques points de parts de marché, a d’ores et déjà bouleversé les règles du secteur.
Il est vrai que ces algorithmes surpassent les agences traditionnelles dans plusieurs domaines – la vitesse d’appariement entre offre et demande, donc, mais aussi le volume des profils « brassés » pour trouver le candidat idoine. « On est capable de détecter l’aiguille dans une botte de foin, quelqu’un qui n’avait pas forcément le parcours imaginé mais qui a les caractéristiques dont on sait qu’elles vont correspondre grâce aux millions de parcours étudiés par la machine », explique Pascal Lorne, le patron de Gojob. Accessible en ligne, facile d’utilisation – le CV est généré de manière automatique en quelques clics –, l’intérim 2.0 représente donc une porte d’entrée bienvenue sur l’emploi, à condition d’être à l’aise avec les outils numériques.
Mais, si puissant soient-ils, les algorithmes ne peuvent pas tout. « La data c’est compliqué, il faut analyser un maximum de choses, reprend Alexandre Viros. Le temps réel des transports, par exemple, n’est pas suffisamment pris en compte alors que c’est crucial. »
Chez Gojob, le principal motif de refus des travailleurs est ainsi, et de très loin, l’absence de permis de conduire ou d’un véhicule. Reste aussi que ces start-up traitent aujourd’hui des effectifs relativement modestes (25.000 intérimaires en poste chez Iziwork, 20.000 chez Gojob et 5.000 chez Qapa) et se concentrent surtout sur des missions ne requérant pas de « hard skills » particulières.
Quant aux potentiels biais discriminatoires qu’un algorithme mal calibré peut engendrer, tous l’assurent : l’humain demeure essentiel, aussi bien pour corriger les erreurs de la machine que pour accompagner les candidats dans leur prise en main de l’outil.
Un article à retrouver ici