En rentrant des Etats-Unis, j’ai découvert une France qui avait mal à son travail, souffrant d’une inadéquation croissante entre offre et demande.
Il se définit comme un entrepreneur social et il veut « hacker le travail ». La formule pourrait heurter, ces deux assertions semblent contradictoires et pourtant, le contenu du livre de Pascal Lorne, dirigeant de l’agence d’intérim 100 % digitale Gojob, entend surtout en réinventer les codes pour faire cheminer le pays dans la voie du plein emploi. Mais aussi et surtout, permettre à tout un chacun de renouer avec l’épanouissement, l’émancipation. Ce qui l’a poussé dans cette introspection, et l’écriture de ce livre, paru à la sortie du premier confinement ?
En rentrant des Etats-Unis, j’ai découvert une France qui avait mal à son travail, souffrant d’une inadéquation croissante entre offre et demande.
revient-il. Interprétant cela au départ selon sa propre grille de lecture, celle d’un serial entrepreneur, il va découvrir par le biais de Gojob d’autres réalités, celles des PME, du monde de l’industrie ou encore, des travailleurs.
D’où la volonté de ce constat au fil de l’eau, destiné notamment aux politiques, intellectuels et autres dirigeants de syndicats, et véhiculant un message central : s’émanciper par le travail est encore possible, à condition d’en réaffirmer les valeurs. Cela passe notamment par le sens, cette fameuse raison d’être qui doit jouer le rôle de liant, motiver les collaborateurs. Et puis, si d’aventure ces derniers n’aiment plus leur travail, ils doivent prendre le temps de se réinventer, intime Pascal Lorne. Mais pour cela, encore faut-il que le système le permette…
D’où le sens des dix propositions de l’ouvrage, allant dans le sens d’une véritable flexisécurité à la danoise. Flexibilité donc, mais aussi sécurité en revalorisant l’apprentissage, en allant plus loin dans la réforme de l’assurance-chômage, afin d’accompagner, de former les actifs dans leurs projets d’orientation… Un préalable à la mise en place d’un contrat de travail unique, afin de mettre tous les salariés sur un plan d’égalité. « Mon livre a été distribué à une centaine d’hommes et de femmes politiques, on lui a fait un excellent accueil, ses propositions ont été largement débattues. » Reste à savoir la façon dont institutionnels et décideurs peuvent s’en emparer et surtout, dont ces idées pourront faire leur chemin alors que dans l’esprit de beaucoup, la première des sécurités reste bel et bien l’obtention d’un CDI…
C’est pourtant, à son échelle, ce que Pascal Lorne a voulu impulser au sein de Gojob : « hacker le chômage ». Ce à la faveur d’un concept de plateforme dédiée à l’intérim et paradoxalement, c’est cet aspect numérique qui crée de l’humain, explique-t-il.
Nous avons digitalisé la partie la plus chronophage, celle relative aux formalités administratives, qui, en agence physique, prend le pas sur l’échange avec le candidat. Nous consacrons davantage de temps de fait à ce dernier et à son projet professionnel, nous l’accompagnons tout au long de son parcours.
Cela veut dire non seulement l’appuyer dans sa démarche d’emploi, mais aussi sur les questions de logement, de formation ou de mobilité. C’est d’ailleurs pour aller plus loin dans ce positionnement qu’a été créée la Gojob Foundation, qui « est actionnaire de Gojob et utilise ses ressources, prises de bénéfices et plus-values, exclusivement afin de financer des projets “non-profit”. Elle est donc à la manœuvre en direction des profils les plus éloignés de l’emploi, réfugiés, personnes sorties de prison ou en extrême précarité », ces derniers suivant parcours de formation spécifique et remise à niveau.
Ainsi l’inclusivité se pose comme un maître mot dans la raison d’être de la PME digitale. Au point qu’elle fait même l’objet de ses travaux de R&D, et cette dernière occupe une place prépondérante dans la stratégie de l’entreprise : « la recherche et développement, c’est 50 collaborateurs chez Gojob, soit un laboratoire de recherche et des profils à haute valeur ajoutée recrutés dans les écoles les plus prestigieuses ». Un poids conséquent, puisque l’on compte, au sein de l’entreprise, 120 salariés au total. Et donc, un foisonnement en matière d’innovation, avec la sortie fin 2020, après deux ans de travaux conjointement avec l’Ecole polytechnique, d’une première solution d’intelligence artificielle nommée Aglae. La vocation de cet algorithme, analysant près de 200 000 CV à l’heure : rendre plus inclusif le matching entre candidats et recruteurs.
Pour ce faire, on a notamment éliminé les notions de genre, d’âge, de nationalité ainsi que les photos, afin d’éviter les biais cognitifs et de ne considérer que des critères objectifs, tel le parcours de vie du candidat.
précise Pascal Lorne. Une première étape, « puisqu’il ne s’agit pas de remplacer les recruteurs, mais de les aider à faire leur métier en focalisant encore davantage sur la relation humaine ». Et davantage de diversité, laquelle s’observe déjà dans les profils des 12 000 « Gojobbeurs » inscrits sur la plateforme : parmi eux, 81 % ont connu le chômage pendant plus de six mois avant de rejoindre l’entreprise, 35 % ont moins de 35 ans et 60 % n’ont pas le bac.
Digitalisation, temps optimisé et redirigé vers l’humain, inclusivité : la formule semble en tout cas faire mouche. Le scepticisme rencontré à l’heure des prémices de Gojob fait désormais partie du passé. « Aujourd’hui, un recruteur n’a plus d’appréhension à passer par la visio pour réaliser un entretien d’embauche », observe Pascal Lorne. Mieux encore, les confinements successifs ont validé ce modèle de plateforme intérim, alors que le secteur format traditionnel, lui, souffre et a vu ses indicateurs passer au rouge. Lauréate 2021 du FT 120 et des 500 « Champions de la croissance », le classement annuel des Echos dont elle prend ainsi la première place, Gojob a vu en effet son chiffre d’affaires doubler pendant la crise sanitaire et enregistre par ailleurs une croissance de 4 388 % en trois ans, entre 2016 et 2019. « Et nous prévoyons une nouvelle hausse, avec un CA de 100 M€ cette année. » La PME aixoise compte par ailleurs quelque 900 clients, notamment des poids lourds de la logistique, de la grande distribution, de la banque ou de l’industrie.
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