Article rédigé par Marie-Cécile BÉRENGER
Les entreprises d’intérim sont au cœur de la crise sanitaire. À double titre. D’abord parce que des pans entiers de l’économie sont à l’arrêt, ceux-là même qui habituellement sont fortement consommateurs de l’intérim. Ensuite parce que l’autre partie de leur clientèle, est au contraire en forte demande. Selon Prism’emploi, qui fédère plus de 750 entreprises du secteur, " l’estimation d’activité pour la période du 16 au 31 mars accuse une chute de 75%. Rapportée en nombre d’équivalents temps pleins (ETP), la perte d’emplois imputable à la crise sanitaire s’élèverait ainsi à 557 500 ETP entre la première et la seconde moitié du mois de mars 2020. Alors que plus de 750 000 ETP étaient comptabilisés avant le 15 mars, ce chiffre tombe à 199 000 pour la seconde moitié du mois."
Les deux secteurs les plus touchés sont l’industrie et le BTP, qui emploient à eux deux 60 % des intérimaires en temps normal, 39 % pour l’industrie et 19 % pour le BTP tandis que le commerce de détail, par exemple, représente environ 3,5% des effectifs totaux.
" Heureusement que les intérimaires sont éligibles au dispositif d’activité partielle ", confie Alexandre Pham, l’un des co-fondateurs et actionnaires de MisterTemp group, qui dispose de 120 agences en France et de trois marques, dédiées respectivement à la logistique, au médical et aux fonctions tertiaire, ainsi que d’une plateforme digitale. Et sans surprise ce sont les métiers du médical (aides-soignants, infirmiers) qui connaissent une croissance des demandes, sans toutefois compenser la décrue de celle de l’industrie et du BTP. " Nous connaissons une récession massive. Notre activité a été divisée par deux ", ajoute le dirigeant, qui a vu de nouveaux clients taper à sa porte, comme les acteurs de la grande distribution, en quête de profils de caristes pour opérer leurs entrepôts. " Mais on n’envoie pas les intérimaires comme de la chair à canon, on s’assure que les conditions de travail sont bonnes. On vient de faire une campagne pour valoriser les ripeurs, dans le domaine de la collecte des déchets, qui répondent à la demande, poursuit Alexandre Pham, certaines entreprises sont en train de réfléchir à la possibilité de distribuer des primes, et les intérimaires en bénéficieront, tout comme la prise en charge de la totalité du salaire en cas de chômage partiel ".
Pascal Lorne, à la tête de la société d’intérim provençale et digitale Gojob, a quant à lui décidé de prendre à la charge de son entreprise la fourniture de masques directement aux intérimaires. " On se bat au quotidien pour en avoir. Nous avons réceptionné un stock ce matin nous pensons pouvoir en distribuer 3 000 par jour, ce sont des équipements jetables. On réfléchit à la façon de les livrer aux salariés. Il s’agit de leur santé, on est au-delà de la question des marges de l’entreprise ", estime l’entrepreneur qui enregistre tout de même une perte de 60 % de son chiffre d’affaires. " Vous savez quand vos trois plus gros clients, PSA, Fnac-Darty et Eiffage stoppent du jour au lendemain… ", commente Pascal Lorne, qui confie cependant n’avoir jamais enregistré autant de commandes, notamment de la part de la chaîne de l’agroalimentaire. " Ce sont les mêmes types de métiers, il faut être titulaire d’un Caces, savoir conduire un chariot élévateur. Grâce à notre dimension digitale nous faisons partie des rares à pouvoir continuer à opérer. Nous avons 10 000 personnes disponibles actuellement pour du boulot ", ajoute le chef d’entreprise qui mise déjà sur la reprise. " Il y a des secteurs comme le BTP qui vont avoir besoin de rattraper leur retard ".