« The day after, c'est génial ! Ma vie change. Je réapprends à vivre en famille. Trois ados, deux adultes dans un huis clos pour 30 ? 45 jours ? On doit s'organiser. Donc on a sorti un grand tableau et détaillé notre planning quotidien : debout tous ensemble à 7 heures. Yoga en famille, petit-déjeuner, puis travail individuel jusqu'à midi. Une demi-heure de sport ou d'activité ludique, une demi-heure de travaux d'intérêt familial (ménage, vaisselle, préparation du repas…). Après le déjeuner, une demi-heure de lecture puis de nouveau le travail individuel jusqu'à 17/18 heures. Sport à nouveau pendant une heure, dîner et détente. On a banni Netfix et on se rabat sur des documentaires et des films cultes. Notre priorité : ne tomber ni dans l'ennui, ni dans le lavage de cerveau.
J'ai partagé ce planning avec mes équipes contraintes comme moi au télétravail, et décidé d'une conf call hebdomadaire sur Google Meet avec tous les effectifs de la boîte, y compris ceux qui ont été placés en chômage partiel. On doit se tenir prêt à redémarrer au quart de tour après la crise. Et pour ça, il faut un cadre, du rythme et une dose de légèreté pour maintenir le lien entre nous. Spontanément, des ateliers sont nés de cette première réunion virtuelle mercredi : yoga en ligne pour ceux qui souhaitent le matin, cours de cuisine en visio avant dîner. Les talents se révèlent. On n'oublie pas nos 10.000 « gojobers », notre force d'intérim : ils peuvent participer à ces ateliers via un compte Instagram dédié. Je mesure à quel point l'humain est la valeur la plus importante dans une entreprise.
Notre board l'a bien compris. Nous tenions ce mercredi notre conseil d'administration mensuel. L'équipe a présenté nos mesures d'urgence, la façon dont nous avons basculé toutes les fonctions vitales de l'entreprise en un seul jour, notre scénario du pire pour tenir même si la situation s'aggrave, comment nous préservons notre capital humain… Les questions ont ensuite porté sur l'éthique du business : est-ce qu'on donne des primes aux intérimaires qui acceptent de travailler dans les entrepôts logistiques ? Est-ce qu'on augmente nos tarifs ? Est-ce qu'on facture nos services solidaires, comme trouver des lots de gels pour nos clients ? On a répondu non à toutes ces questions et nos investisseurs l'ont bien compris.
Nos priorités changent, notre système de valeur est bouleversé. Nos motivations à présent : rester solidaire envers notre écosystème de collaborateurs et de clients, mettre Gojob en mode survie, rassurer et ne rien lâcher. »