Pascal Lorne en est convaincu : il est possible de mettre fin au chômage. Pour cela, il faut hacker le travail : identifier les failles du système, pour en prendre le contrôle et le transformer. Quarante ans après la fin des Trente Glorieuses et alors que le monde entier craint une récession massive post-confinement, le CEO de Gojob, première plateforme d’intérim 100 % digitale d’Europe, lance dans son livre Dix jours pour hacker le travail un appel à l’action. Une mobilisation, aussi bien collective qu’individuelle, appuyées sur quatre grand principes.
Contrairement aux prophètes de malheur qui voient dans le travail un asservissement, dont chacun devrait se libérer en travaillant moins, le travail peut et doit être au centre de nos existences. C'est par le travail que l’on prend son autonomie, et que l’on trouve du sens à sa vie. Mais pour cela, le travail doit retrouver du sens. A l’opposé du taylorisme et des organisations ultra hiérarchisées et infantilisantes, il nous faut retrouver une pratique du travail humaniste, attentive aux besoins et aux spécificités de chacun. Retrouver le sens du travail, cela passe donc aussi par assumer total le rôle social de l’entrepreneur. Notamment en réinvestissant dans les territoires délaissés.
La France, comme d’autres pays occidentaux, fait preuve d’une vraie phobie du risque. Les employeurs n’osent pas embaucher des candidats aux parcours atypiques. Les salariés n’osent pas changer de travail de peur de ne plus trouver d’emploi. Les banques n’osent pas prêter aux salariés en contrat courts… Cette quête de la sécurité absolue à tous les étages est sclérosante. Elle repose sur une défiance mutuelle entre travailleurs et entreprises, citoyens et services publics. Pour débloquer la situation, il faut commencer par réhabiliter le chômage. Puisque chacun en fait désormais au moins une fois l’expérience dans une vie professionnelle, il faut que le chômage devienne une véritable opportunité, un moment de réflexion et de réorientation, pour tirer parti de son expérience et se diriger vers un travail encore meilleur, avec encore plus de sens.
En parallèle, il faut abolir le CDI. Saint-Graal à la française, ce contrat crée un véritable système de castes entre ceux qui en bénéficient, avec tous les avantages qui y sont liés, et qui craignent en permanence de le perdre, et les autres qui se battent pour essayer de l’obtenir. Pour faire tomber ces peurs et aller de l’avant, la seule solution est de réinventer l’apprentissage. C’est seulement par un investissement massif dans la formation à tous les âges et dans tous les secteurs, en s’appuyant sur des périodes pratiques en entreprises, que l’on pourra sécuriser les salariés en leur garantissant de retrouver un emploi intéressant et mieux payé après avoir changé d’entreprise.
L’intelligence artificielle peut et doit être un détonateur pour la révolution de l’emploi. Elle peut aider les millions de travailleurs du secteur tertiaire, condamnés à faire des tâches répétitives et abrutissantes. Pour se concentrer sur ce qu’une machine ne pourra jamais faire : l’attention à l’humain dans le travail. Mais pour pouvoir se mettre au service de l’humain plutôt que l’inverse, l’IA doit être pensée et utilisée dans le cadre de notre modèle social européen. C’est pour cela que l’Europe doit se doter de toute urgence d’une véritable souveraineté numérique européenne face au dumping social et fiscal des GAFAM. Ces entreprises, qui ont désormais la puissance et l’attitude de véritables Etats-voyoux, financent leur croissance sur le dos du contribuable et de l’assuré social européen.
Tout comme elle doit se protéger numériquement, l’Europe doit se protéger socialement. Al’heure actuelle, le coût du travail comme les systèmes de protection sociale sont trop divers dans l’Eurozone comme dans l’Union européenne. Sans harmonisation sociale, l’union économique et monétaire se condamne à moyen ou long terme. Alors que le droit du travail reste encore du ressort des seuls Etats-membres, il est indispensable d’harmoniser les statuts et les législations. Quitte à suspendre temporairement la possibilité du travail détaché au sein de l’UE. En parallèle, l’Europe doit aussi harmoniser et contrôler plus sévèrement l’utilisation du statut d’auto-entrepreneur. L’explosion du travail à la tâche, souvent sous-traité en cascade au service de plateformes multinationales du numérique, a fait renaître les tâcherons, ces ouvriers surexploités qui avaient peu à peu disparu d’Europe après le XIXe siècle.
Que nous soyons entrepreneurs, élus, salariés, agents des services publics, formateurs, simples citoyens, nous avons un rôle à jouer dans cette révolution du travail que nous appelons tous de nos vœux. Alors que le monde se pose plus que jamais la question du sens et de la finalité du travail, il est vital pour nous tous dans nous lancer dans ce chantier. Cela demandera de l’inventivité et de l’effort, mais c’est seulement à ce prix que nous mettrons fin au chômage de masse, et que nous pourrons sauver nos démocraties, menacées partout par la montée des populismes. Il n’est pas trop tard. Mais il est temps.